
Les leçons de la session de Barcelone
05/09/2016
Réussir la conduite du changement au sein d’une entreprise : un challenge pour le DRH
29/09/2016Sébastien Kadio-Morokro, Directeur général de Pétro Ivoire, depuis 2010, a relevé sensiblement le niveau de croissance de la société de distribution des hydrocarbures. Bilan globalement positif. En cinq ans d’exercice à la direction générale de l’entreprise, le niveau de ventes et de chiffres a doublé. Portrait.
Q’est-ce qui a bien pu donc motiver le choix du jury d’Africa CEO Forum à désigner Sébastien Kadio-Morokro, Directeur général de Petro Ivoire, jeune entrepreneur de l’année 2016?
Sa volonté d’entreprendre dans la distribution des hydrocarbures, dans un secteur hautement concurrentiel ? Ou sa pugnacité à faire prospérer une entreprise ivoirienne avec des standards internationaux pour la hisser à un bon niveau de croissance ?
Autant de questions qui laissent penser que le travail, la persévérance dans le suivi des opérations, l’esprit proactif du manager, la qualité de service de ses équipes ont milité grandement en faveur de sa désignation pour ravir le trophée du jeune entrepreneur de l’année 2016.
35 ans. Bel âge ! Aussi jeune et déjà dans la cour des grands. C’est qu’il a appris le métier auprès de son père, Mathieu Kadio-Morokro, qui a bâti la fondation de l’entreprise depuis 1994, pour offrir un pavillon ivoirien dans la distribution des hydrocarbures largement dominée par les grosses multinationales. C’était osé à l’époque ! En attendant de faire son entrée dans l’entreprise familiale, le jeune Sébastien, avec le diplôme supérieur en monnaie et finances, qu’il a obtenu en France, a, lui aussi, fait ses propres armes au Sénégal chez Total depuis le bas de l’échelle. D’abord agent de terrain, puis pompiste.
Forgé alors à l’enclume de la rigueur du travail, il retourne dans le giron familial, pour préparer ses classes à tous les étages de la maison. Depuis la prise de terrain, dans ses relations à la clientèle, jusqu’au centre des décisions au plus haut niveau. Comme ça, il avait toutes les armes en main pour maîtriser les rouages de l’entreprise. Ne le disait-il pas qu’il n’est pas facile de remplacer le fondateur de père ? Sauf humilité, c’est qu’il s’y est bien préparé pour occuper la direction générale. Sébastien Kadio-Morokro, un privilégié ? Que non !
Que non pas ! Il ne voit pas tout à fait les choses dans la lorgnette de l’héritier, qui se met à prendre plaisir de la cueillette des fruits de la croissance. Il a pour lui cette volonté d’aller plus loin et plus haut. Pour lui, l’entreprise familiale ne doit pas pâtir des pesanteurs de relations ataviques, elle se doit d’épouser les normes managériales connues pour aspirer à la croissance.
« C’est l’entreprise qui est notre chef à tous et ses règles doivent s’appliquer à tous », se défend-il. On le voit, le Directeur général de Pétro Ivoire ne s’embarrasse pas de considérations familiales pour la gestion de l’entreprise. Il précise qu’il lui est arrivé de se séparer de certains membres de sa famille qui ne répondent pas à la rigueur du métier. Il répète, avec conviction, que son credo, c’est le bien-être de l’entreprise. Pour autant, Sébastien Kadio-Morokro reste à l’écoute de son personnel afin de lui apporter des idées nouvelles pour relancer la machine de travail.
Il présente le profil d’un chef d’équipe qui demande à être évalué par ses collaborateurs. Quel homme est-il en dehors du cadre professionnel ? Il pratique le jogging après le travail pour se soulager du stress de la journée. Mais surtout le tennis, qui est sa passion premiére, lui confère un équilibre sur le plan professionnel. Parce que, dit-il, le tennis n’offre pas au joueur une partie au gain nul. Soit on est gagnant, soit perdant face à son adversaire. Pas de public pour applaudir pour vous distraire d’un match qui, dans sa pratique, exige le silence et la concentration.
On peut le dire, Sébastien Kadio-Morokro est formaté pour gagner_ Sa prochaine destination, c’est d’aller opérer à l’international. Il envisage de conquérir la sous-région qui reste le challenge auquel il tient pour répondre au défi de la mondialisation. Au-delà de ses 66 stations-service, implantées sur le sol ivoirien, Pétro Ivoire entend en ajouter une dizaine. Le Directeur général de Pétro Ivoire, dans sa politique d’expansion, examine les opportunités d’affaires à l’étranger. Il vise la Guinée, la Sierra-Leone.
Vous avez été désigné jeune chef d’entreprise de l’année lors de l’édition 2016 d’African CEO Forum. Quel sentiment vous anime après avoir reçu ce prix ? Sans oublier que vous êtes le tout premier lauréat de ce prix ?
C’est forcément un sentiment de fierté. Je dois avouer que j’étais quelque peu surpris de faire partie des nominés, Pas parce que je n’étais pas conscient du travail que nous avons abattu, mais je me disais simplement que pour cette première édition africaine, il y avait des jeunes entrepreneurs qui ont autant de talents que moi, sinon, beaucoup plus. Déjà, ma nomination fut une surprise et l’obtention du prix également. Mais, je me dis que c’est la reconnaissance du travail abattu par l’entreprise. C’est en cela que j’ai été particulièrement fier. Car, ce sont vingt-deux années de parcours qui ont été ainsi récompensées. Moi, je ne suis qu’un instrument, par lequel le travail de notre structure a été reconnu.
Il est vrai que vous parlez de reconnaissance à toute l’équipe. N’est-ce pas aussi le fruit de votre équation personnelle ?
Il y a eu certes une touche personnelle, mais c’est toute l’histoire de Pétro Ivoire qui a été récompensée avec cette transition qui s’est bien déroulée. Dans certaines entreprises africaines, la transition entre la première génération, notamment celle du fondateur, et la seconde ne se déroule pas toujours au mieux. De ce fait, en prenant la tête de Pétro Ivoire, je me suis inscrit dans la continuité de ce qui avait été fait jusque-là. Je n’ai pas voulu opérer de grands bouleversements stratégiques, dès mon arrivée à la Direction générale, parce que j’ai eu l’opportunité de travailler pendant longtemps avec la génération précédente. J’ai plutôt opté pour une formalisation et une volonté de transformer cette entreprise, à fonctionnement familial, en une entreprise respectant les standards internationaux, dans son mode de gestion, de prise de décision, et de financement.
Le but a été de positionner Pétro Ivoire comme une société normale et non comme une entreprise familiale avec une connotation parfois péjorative. Cela fut mon tout premier chantier. Ensuite, je me suis focalisé sur le développement stratégique notamment avec le développement sur le gaz et sur le réseau. Et là encore, j’ai envie de dire que cela s’inscrit dans la continuité.
Doit-on vous considérer comme un privilégié de la société des jeunes étant donné que vous êtes fils de… de Mathieu Kadio-Morokro, fondateur de la société, que vous dirigez en ce moment, et qu’il a façonnée à son image ?
Franchement, il serait vraiment malhonnête de nier que je suis un privilégié, quand on connaît le nombre de jeunes en Côte d’Ivoire qui sont très talentueux, intelligents et qui n’ont parfois pas la chance d’exercer leur talent. En cela, je reconnais, sans gêne que je suis un privilégié car j’ai eu l’occasion d’exercer mon talent. Mais, après, lorsqu’on nous donne l’opportunité, le privilège prend fin et c’est le travail qui prend le relais. Mon privilège est d’avoir eu un espace pour développer mes idées et mettre en pratique ce que j’ai pu apprendre avant mon arrivée à Pétro Ivoire.
Quel a été votre parcours au sein de cette entreprise ? D’où avez-vous commencé pour vous retrouver aujourd’hui à la direction générale ?
J’ai pratiquement fait tous les services et occupé quasiment tous les postes. Même si cela s’est fait de façon un peu accélérée.
Avant d’intégrer Pétro Ivoire, j’ai travaillé chez Total Sénégal où j’étais un véritable agent de terrain opérant sur les stations-service. J’ai été pompiste pendant un moment. Cette expérience sénégalaise a été le début de mon aventure dans la distribution de produits pétroliers. Tout notre métier commence par le service au client, notamment sur la piste_ Il était donc bon que je m’y frotte. Quand je suis revenu en Côte d’Ivoire, j’ai intégré le groupe. D’abord débuté, au poste d’auditeur interne pendant un an. Cette fonction collait à ma formation initiale et cela m’a permis d’avoir un aperçu du fonctionnement de l’entreprise parce que l’audit interne donne accès à tous les compartiments de la société.
J’ai ensuite été chef du service technique, une fonction à l’opposé de ma formation. J’y ai énormément appris surtout en termes de management. Je me suis familiarisé avec tous les problèmes techniques et j’ai appris à raisonner comme un technicien face aux problèmes techniques. Ce fut une période de travail acharné car c’est un métier adapté au profil ingénieur. Un financier qui se retrouve au service technique pendant un an, ça ne se voit pas tous les jours.
Cette expérience m’a été très utile. Par la suite, j’ai occupé la fonction de directeur des opérations pendant deux ans. J’avais en charge la gestion de tout ce qui a trait à la mise en place des produits, la gestion de leurs stocks, la logistique, le service technique, la sécurité… tout ce qui fait que nos stations-service et les différents sites des clients industriels sont ravitaillés en produits pétroliers. Dans le même temps, j’ai assuré l’intérim de la directrice commerciale, arrêtée pour des raisons de santé, pendant neuf mois. J’ai ainsi cumulé les postes de directeur d’exploitation et de directeur commercial par intérim. Ce qui m’a permis d’explorer le volet managérial de l’aspect commercial.
La prochaine étape fut mon accession à la fonction de directeur général adjoint en charge de l’exploitation et du commercial de “entreprise. Puis, en 2010, j’ai été nommé directeur général.
J’ai donc fait quasiment tous les métiers de la société avant d’occuper le poste de directeur général, ce qui a été un gros avantage. Par ailleurs, j’avais effectué des stages à la comptabilité où j’ai véritablement côtoyé les employés Tout cela pour dire que j’avais une bonne connaissance de l’entreprise avant d’en prendre les rênes.
Vous avez remplacé votre père à la tête de l’entreprise. Le choix de votre personne s’est-il fait naturellement ? Qu’est-ce qui a milité, selon vous, en faveur de votre choix ?
Je pense qu’il a dû voir en moi quelqu’un de sérieux, qui voulait réussir. Mais, je pense qu’il est mieux placé pour répondre à cette question.
Vous avez fait pratiquement tous les métiers de l’entreprise. Est-ce qu’à un moment donné, vous vous êtes senti engagé pour la diriger ?
Oui ! Justement, c’est pour cette raison que j’ai pris tout le temps de faire ce parcours en passant par tous nos métiers. Pour que, d’une part, je m’imprègne des réalités de l’entreprise, et d’autre part être sûr, en ce qui concerne ma personne, de relever ce challenge. D’aucuns pourraient croire que c’est facile de remplacer le fondateur d’une entreprise, mais non. C’est une fonction qui est difficile, quand on sait que nos décisions peuvent impacter la vie d’une centaine d’employés. Et en plus, ici, il s’agit du patrimoine familial. Ça demande vraiment un certain nombre d’engagements et une volonté de réussir. Effectivement, j’ai pris conscience de cet engagement et je me suis donné les moyens intellectuels et moraux pour atteindre mes objectifs
En héritant de cette entreprise, quelles sont les décisions qui ont été les plus difficiles à prendre pour vous ?
Les décisions les plus difficiles étaient celles liées aux ressources humaines, c’est-à-dire, tout ce qui a trait aux licenciements.
Pour une jeune personne, qui prend la tête d’une entreprise, devoir licencier un collaborateur est l’exercice le plus difficile.
Aujourd’hui, j’ai pris conscience du fait que cela fait partie de mon travail. Il y a eu une réorganisation de l’entreprise qui passait absolument, malheureusement, par des départs, nous avons fait face.
Une fois à la tête de cette entreprise, vous est-il arrivé d’avoir des divergences de points de vue avec votre père ? Comment les avez-vous réglés ? Est-ce que vous avez senti l’ombre de votre père derrière vous ?
Pendant mes toutes premières années, ce fut le cas Mais, j’ai trouvé cela tout à fait normal. La passation entre mon père et moi, m’évoque l’image suivante : laisser son “bébé” à une tierce personne. Cela reste un exercice très difficile même si cette tierce personne est très proche de soi. De plus, ma jeune expérience justifiait largement que l’on maintienne le cordon. La différence générationnelle a pu conduire, dans certains cas, à des divergences de points de vue, mais c’était beaucoup plus dans la méthode que dans la stratégie. Dans la stratégie, on a toujours été alignés, cependant dans les méthodes, on a souvent des approches différentes. De façon générale, je suis patient et je prends le temps de convaincre. Quand l’idée est vraiment bonne et qu’on n’arrive pas à convaincre, c’est qu’on explique mal les choses. Il m’arrive parfois de revenir sur mes pas, de réfléchir sur les meilleurs arguments, et cela prend le temps qu’il faut
Mais lorsque mon père et moi n’arrivons vraiment pas à nous accorder, je fais le choix de l’expérience et je finis par m’aligner.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour convaincre votre père ?
Je ne saurais vous déterminer ce temps de façon exacte, mais je dirais qu’au bout de trois années, il me laissait de plus en plus prendre librement des décisions. Toutefois, je le consulte régulièrement. Mais, après trois années, j’ai senti qu’il était plus serein.
Vous disiez que, lorsque vous preniez la direction en mains, il y avait des enjeux, entre autres les enjeux familiaux très sérieux ? Vous est-il arrivé de vous séparer de certains membres de votre famille pour le bien de l’entreprise ?
Bien sûr ! Et comme je le disais, nous sommes tous ici pour l’entreprise et par l’entreprise. C’est l’entreprise qui est notre chef à tous et ses règles doivent s’appliquer à nous tous.
Cela faisait justement partie des réformes de ma gestion. Parce que je veux qu’on gère l’entreprise selon les règles et non pas par affinités ou liens familiaux.
Il est arrivé que certains membres de ma famille transgressent les règles de l’entreprise. Pour le bien- fondé de celle-ci et même par souci de justice et d’équité, je me suis séparé de ces personnes. Nous avons un effectif de 80 personnes, dont 3 membres de ma famille. Vous comprenez que je ne peux pas sacrifier 77 personnes qui se donnent à fond pour maintenir l’entreprise au sommet, en rendant une décision injuste pour les quelques membres de ma famille. Notre credo, c’est ‘le bien-être de l’entreprise”.
Alors même si cette décision est difficile à prendre, il faut le faire pour le bien-être de l’entreprise et de tous.
Vous arrive-t-il de vous référer à votre père pour certaines décisions importantes ?
En ce qui concerne les grandes décisions et les grandes orientations, je me réfère toujours à lui. Dans tous les cas, il est toujours le Président du conseil d’administration du groupe. Et puis, même pour des décisions assez importantes de gestion qui pourraient avoir un impact sur l’entreprise, je me réfère également toujours à lui. Mon père a une quarantaine d’années d’expérience, et il ne serait donc pas intelligent de ma part de me priver d’une telle expérience pour juste une volonté de pseudo émancipation.
Vous avez effectué vos études en France. Que dire de ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir les parents aussi nantis pour soutenir les efforts de formation ?
Il est vrai que ces derniers temps le niveau de formation a quelque peu baissé. Toutefois, le niveau de formation reste bon en Côte d’Ivoire. Tous les ingénieurs qui sortent de l’INP-HB de Yamoussoukro ou de l’université Félix Houphouët-Boigny n’ont rien à envier aux étudiants issus de la diaspora. D’ailleurs, la majorité de jeunes de mon staff est sortie des écoles ivoiriennes. Il n’y a pas de complexe à se faire par rapport à ceux qui ont pu partir étudier à l’étranger. Tout est une question de volonté. Nos parents avaient des parents très démunis. Mais ils ont réussi leurs études malgré ce fait, pour travailler dans l’administration ou dans des sociétés privées. La vie nous offre des possibilités, certaines personnes travaillent et poursuivent en même temps leurs études. Ce sont aussi des opportunités. Il ne faudrait pas chercher à obtenir les diplômes par des moyens frauduleux. Les études sont une valeur sûre. Il faut les suivre avec sérieux afin d’obtenir de vrais diplômes qui sont le fruit du travail.
En ce qui concerne votre structure, est-ce qu’il y a une politique de formation interne pour la remise à niveau de connaissances de certains de vos collaborateurs ?
Évidemment, nous avons une politique de formation importante. Nous organisons des formations métiers pour certains de nos collaborateurs, soit ici, soit à l’étranger, pour améliorer leurs performances. Nous aidons également ceux qui le souhaitent, à faire leur 3e cycle afin d’améliorer leurs connaissances académiques.
Chaque année, nous élaborons notre plan de formation sur la base de notre système d’évaluation. Chaque manager nous fait part des besoins en formation pour lui et ses équipes en adéquation avec les objectifs globaux de l’entreprise_ Quand cette adéquation est avérée, l’entreprise finance la formation. Cela fait partie de notre politique.
Vous êtes l’émanation d’une famille qui a réussi. Quelle place accordez-vous à la famille pour la construction d’une vie, d’une carrière ?
Il y a plusieurs dimensions qui permettent à un Homme d’être structuré. Ce sont : la dimension “travail”, qui permet d’être épanoui, la dimension “sociale” qui nous permet de nous ouvrir aux autres et ne pas vivre en autarcie et la vie de famille. Pour moi, ce sont ces trois dimensions-là qui structurent un homme. Il faut que ces trois éléments s’imbriquent de façon harmonieuse pour avoir un homme équilibré. L’une ne doit pas prendre le pas sur l’autre. Un homme qui travaille 23 h/24 sans avoir de vie sociale ou de vie de famille, il ne s’inscrit pas dans le long terme. C’est pareil pour un homme qui n’a que les vies de famille et sociale. En clair, la famille fait partie du trépied de mon fonctionnement en tant qu’homme. S’il manque un élément de ce trépied, je ne serais plus équilibré.
Votre spécialité c’est : monnaie et finance. En principe vous êtes destiné à faire carrière dans un secteur comme la banque. Pourquoi le choix de l’entrepreneuriat ?
Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs. Il y a mon père, ma mère, ma sœur ainée qui possède une clinique médicale. Tous sont engagés dans l’entrepreneuriat. C’est dans cet univers que nous avons grandi. J’ai fait des études spécialisées en monnaie et finance parce que c’est ce qui m’intéressait le plus. Pour ce qui est de l’entrepreneuriat, il n’y a pas de parcours académique spécifique. On peut être ingénieur, économiste, etc., et créer son entreprise. Je pense qu’il n’y a pas de cursus scolaire qui prédestine à l’entrepreneuriat.
Dans la nouvelle dynamique de l’école, il y a la volonté politique d’introduire l’entrepreneuriat dans le programme scolaire. Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’on a mis trop de temps pour encourager l’entrepreneuriat en Côte d’Ivoire. Les statistiques nous parlent de 70 % de la population qui ont moins de 35 ans. C’est dire que les jeunes sont nombreux.
L’État ou la Fonction publique ne peut pas absorber 70 % de 23 millions d’habitants. Ce n’est pas possible. Les entreprises privées non plus. Malgré tous les CV qu’on reçoit, nous ne pouvons malheureusement pas embaucher plus que de besoin.
A de nombreux égards, l’entrepreneuriat reste l’option gagnante. D’une part, cela réglerait le problème du chômage, et d’autre part, cela permettra au pays de se développer. Nous voulons être un pays émergent, nous ne le serons de façon pérenne et solide qu’avec un tissu économique essentiellement constitué de PME ivoiriennes, Pour moi, il est essentiel de favoriser l’entrepreneuriat des jeunes.
Quels sont les éléments à prendre en compte dans la gestion d’une entreprise ? Quelles sont donc les valeurs sur lesquelles vous vous fondez pour bâtir votre stratégie managériale ?
L’homme est au cœur de la stratégie. Il est à la fois le plus important et le plus difficile à cerner. On peut toujours se débrouiller pour trouver une machine de seconde main. Mais pour trouver un homme performant, il faut mettre les ressources humaines au cœur de sa stratégie d’entreprise. C’est le choix que j’ai fait pour Pétro Ivoire. Le triptyque sur lequel nous basons notre identité est : “Rigueur, loyauté et épanouissement’. Vous constatez que ces trois mots tournent autour des valeurs humaines. Pour nous, c’est ce qu’il y a de plus important. Quand on a un personnel performant, motivé, loyal, on a tout gagné. Pour le reste, les choses peuvent suivre avec un peu de chance et beaucoup de travail.
La distribution du pétrole, c’est votre secteur d’activités. Un domaine hautement concurrentiel, prisé par les grosses multinationales. Comment avez-vous fait pour vous imposer dans le secteur ?
Pétro Ivoire a eu la chance d’avoir un fondateur qui a travaillé pendant longtemps dans une multinationale. Il a créé Pétro Ivoire en reproduisant les mêmes règles, les mêmes standards internationaux afin d’affronter le marché à armes égales avec ces multinationales. Cela nous a permis d’avoir une fondation solide pour bâtir notre entreprise. Effectivement, notre secteur est hautement concurrentiel avec des entreprises dont la notoriété n’est plus à faire. Le marché impose donc de lui-même un certain niveau de performance. Si Pétro Ivoire est aujourd’hui l’une des entreprises ivoiriennes encore présentes dans ce secteur, c’est parce que nous avons compris que si nous ne fonctionnons pas comme ces multinationales, nous disparaîtrons. Je dis toujours à mes équipes qu’il faut développer notre entreprise selon des standards internationaux en mettant en avant notre qualité, nos services, notre compétitivité et non le volet ivoirien de l’entreprise. Si un client s’adresse à nous, il faut qu’il le fasse non pas parce que nous sommes une entreprise ivoirienne, mais pour la qualité de nos services et de nos produits, qui respectent toutes les normes de qualité et de sécurité. Ce sont ces détails qui nous valent de mener la concurrence sans complexe.
On a entendu dire que votre marque personnelle, c’est d’opérer à l’international. Encore une autre paire de manches. Quelles dispositions d’esprit vous a-t-il fallu avoir pour aller chercher un marché au-delà de la Côte d’Ivoire ?
Pour l’instant, j’ai fait appel à des fonds internationaux qui sont entrés dans notre capital pour soutenir notre croissance. Le monde est un village planétaire, il faut aller chercher les moyens là où ils sont disponibles. Nous n’avons pas à nous imposer des frontières. À preuve, nous envisageons, à moyen terme, une percée dans la sous-région, toujours dans le métier de la distribution qui est notre cœur de métier.
Nous sommes justement en train de nous préparer à affronter ce nouveau challenge. Pour ce faire, il faut que nous soyons très solides à l’intérieur. C’est pourquoi nous nous donnons encore quelques années pour bien consolider notre position et attaquer ce nouveau défi qui sera certainement difficile à relever. Mais, avec le travail que nous y consacrons, nous n’avons aucun doute que nous y arriverons. Nous avons prospecté en Guinée, en Sierra-Leone, mais pour l’instant, nous n’avons pas encore choisi notre destination. Nous sommes toujours en phase de réflexion et nous irons là où il y aura la meilleure opportunité.
Qu’est-ce que vous pouvez dire aux jeunes entrepreneurs ? Quelles valeurs faut-il leur enseigner pour le développement de leurs entreprises ?
Il faut que les jeunes entrepreneurs soient des entrepreneurs et non des hommes d’affaires. Il y a une nuance. Un entrepreneur, c’est quelqu’un qui est prêt à partir de zéro, qui prend le temps de bâtir son entreprise. Et c’est quelqu’un qui porte une vision sur le long terme. Un homme d’affaires, c’est quelqu’un qui veut faire un gros coup pour gagner beaucoup d’argent. Il ne cherche pas à bâtir quelque chose de solide, mais à faire le maximum de coups pour gagner plus d’argent. Être entrepreneur ou homme d’affaires, c’est une question de choix. Tant que tout se fait dans la légalité, il n’y a aucun problème.
Véritable patron qui a toutes les manettes du pouvoir financier, un chef d’équipe, un leader, etc. Quel est votre style de management ?
Mon style de management est plutôt un style participatif. Et j’aime apporter mon aide à mes collaborateurs de telle sorte qu’ils soient épanouis et aient la latitude de proposer. C’est vrai que je suis le patron à qui revient la décision finale, mais je ne suis pas le tout-puissant patron à qui on ne peut rien dire. Je me laisse évaluer par mes collaborateurs quand nous faisons le bilan annuel. Au début, c’était difficile pour eux. Mais au fil des années, ils ont fini par s’habituer à mon style. Ils savent que je n’aime pas l’à-peu-près, et qu’il faut que les choses soient bien faites. Mais, après, chacun est libre de donner son opinion.
Quelles orientations comptez-vous donner à Petro Ivoire pour son expansion ?
Comme je l’ai dit, il nous faut consolider notre position. Nous allons, pour ce faire, continuer à développer notre réseau de stations-service. Pour l’heure, nous en avons 66. Nous comptons en rajouter une dizaine et aussi développer notre activité de distribution de gaz. Nous pensons également, au plan local, à la diversification de nos activités. Au plan international, nous allons privilégier, d’abord, le cœur de métier.
En dehors de votre occupation professionnelle, quelles autres passions vous animent pour votre développement personnel ?
Je fais beaucoup de sport notamment du jogging et du tennis. En général, lorsque je descends du boulot, les soirs, j’aime bien aller faire mon jogging, cela me permet de me détendre énormément et évacuer le stress de la journée. Les vendredis, je joue au tennis pour une saine détente À part cela, je suis quelqu’un de très casanier. J’aime rester auprès de ma famille, passer du temps avec elle. Alors, mes occupations après le boulot, ce sont le sport, ma famille et mes amis. Et puis, le dimanche, je vais à la messe, pour bénéficier de ce volet spirituel également très important dans mon fonctionnement.
J’aime particulièrement le tennis parce que c’est un sport au cours duquel on est tout seul face à l’adversaire. Au tennis, il n’y a pas de match nul. Soit on perd, soit on gagne. Le match peut prendre autant de temps que possible, mais il est impossible de finir sur un match nul. C’est un sport qui forge en vous une mentalité de gagneur. Lors des tournois de tennis, le public n’a pas le droit de faire de bruit pendant les échanges. On laisse vraiment l’athlète avec lui-même, face à son destin se battre et remporter le match. Je pense que cet esprit de gagneur m’aide beaucoup dans mon fonctionnement et dans mon business.
Parlez-nous du système 3SE et dites-nous, avez-vous un tribunal intérieur pour arbitrer les dysfonctionnements ?
Le système 3SE est tout ce qui a trait aux HSE dans d’autres entreprises. Il se résume à la santé, la sûreté, la sécurité et l’environnement. Cela existe partout dans les entreprises pétrolières. Nous avons juste trouvé une appellation un peu différente.
On a développé et formalisé le système toujours dans le but de nous rapprocher des standards les plus élevés au plan international. Nous avons mis en place tout un système pour prévenir tout risque d’accident, de maladie et même prévenir la pollution environnementale. ■
(Article tiré du Tycoon N°44)