
IESE Africa Initiative exhorte à la création de plus de savoir à partir de l’Afrique
21/07/2016
«Le PMD m’a permis d’améliorer mon approche et ma façon de penser», Mme Maimouna DIARRA, DRH de GBFoods
25/07/2016Grande militante pour la promotion de la femme, Mme Dao Gabala est également un manager chevronné. Et pas seulement ! Perfectionniste à souhait, elle cumule plusieurs autres fonctions dont elle parle dans cette interview avec une franchise saisissante
Madame GABALA, vous étiez Directeur régional Afrique francophone de l’ONG Oikocredit, vice-présidente de l’association des Alumni (anciens pensionnaires de MDE Business School). J’en oublie ?
En fait depuis un an je ne suis plus directeur régional de Oikocredit ! Après 20 ans de fidélité au poste, j’ai décidé d’élargir mon horizon professionnel ! Cela dit, je fais beaucoup de choses. Je préside le Conseil d’Administration mondial d’une organisation internationale qui travaille dans le développement durable à travers 52 bureaux nationaux et internationaux en Afrique, en Asie, y compris la Chine, en Amérique latine et en Europe.
Je préside aussi le comité de suivi du redressement de l’UNACOOPEC CI la plus grosse institution de microfinance du pays ; je suis administrateur de banque au Ghana, EcoBank ; je donne des conférences au plan international et national sur le leadership, je dirige ou participe à des mouvements de la société civile et aussi religieux.
En marge de vos occupations professionnelles propres, vous avez donc une vie associative très dense. Qu’est-ce qui vous fait tant courir ? l’argent ? Les honneurs ?
Tout simplement le bonheur de servir les aitres et de partager mon expérience pour faire avancer le développement de notre continent. Mon époux trouve que je ne sais pas chercher l’argent (rire). Ma conviction, c’est que quand on est excellent, c’est l’argent qui vous poursuit et je crois aussi que dans ce cas, on est indépendant, plus ouvert et plus généreux !
Presqu’esseulée au milieu des hommes de MDE Business School, vous menez depuis 2003 un combat acharné pour la promotion du Management. Avez-vous le sentiment d’être comprise par les femmes, 13 ans après ?
Oui ! la relève est prête. Vous savez, avant, hommes et femmes ne comprenaient pas pourquoi il fallait que les femmes exercent aussi des fonctions managériales de haut niveau ! Mais depuis ces 5 dernières années beaucoup d’études (de très sérieuses) réalisées par de grandes institutions financières telles que le FMI sont faites qui démontrent que les femmes ont des capacités et des sensibilités qui concourent à la pérennité et à la prospérité des entreprises et des organisations. Certaines de ces études démontrent même que de par leur talents les femmes sont de meilleurs managers en période de crise ! Avant ces études notre combat restait conceptuel !
Pour beaucoup d’Africaines, les pesanteurs sociales sont l’obstacle majeur à leur « émergence ». Comment faites-vous pour passer outre cet obstacle et réaliser un taux de réussite au-dessus de la moyenne dans tout ce que vous entreprenez en entreprise et hors entreprise ?
Le plus gros obstacle c’est l’individu lui-même ; son manque de confiance en lui-même et surtout son manque de vision et de valeurs ! Les pesanteurs existent certes comme dans toutes sociétés mais elles ne sont ni inamovibles ni incontournables. Ce qui me désole c’est quand devant un obstacle, quel qu’il soit, l’africain baisse les bras et attend un miracle ou la solution. Le résultat : on ne bouge pas, on piétine. Penser aux pesanteurs comme alibi de nos échecs c’est être déjà perdant dans la tête !
Il nous faut penser l’émergence, avoir une vision de ce que nous voulons atteindre et y aller avec conviction et probité.
L’on vous a vu faire feu de tout bois pour trouver un financement pour la construction du marché Cocovico à Cocody ; vous soutenez sans réserve des cultivateurs…bref, d’où vous vient cet engagement pour les couches les plus démunies ?
De ma conviction, l’émergence ou le développement ne se fera que par le haut ! il nous faut entrainer avec nous la majorité de la population, les forces vives, celles qui font exister et vivre la Côte d’Ivoire. Même si la majorité est illettrée, ils et elles ont un talent fou que nous n’avons pas le droit de négliger.
Les PME en Côte d’Ivoire ont depuis toujours sollicité l’appui du gouvernement pour améliorer davantage le climat des affaires. Et ça manque. Voyez-vous une quelconque alternative, à suggérer aux PME elles-mêmes, pour parvenir à assainir cet environnement des affaires ?
Savez-vous comment est née la microfinance ? Ce sont les pauvres eux-mêmes qui ont épargné, se sont mis ensemble et ont sollicité l’expertise managériale auprès de certains bailleurs de fonds. Pourquoi les PME ne créeraient-elles pas une institution financière pour bénéficier de la loi sur les SFD aux fins de résoudre leurs problèmes ? Le crédit coopératif en France est une coopérative ; par ailleurs l’une des plus grandes banques aux Pays-Bas : la RABO Bank, est une coopérative ! Pourquoi faut-il toujours attendre l’état ?
Nos PME doivent compter sur elles-mêmes et apprendre à être solidaires ; ce sont des entreprises ; elles ont à améliorer elles-mêmes leur environnement de travail ! Par ailleurs, si les PME refusaient le chantage de la corruption, ce pays prospèrerait et ces entreprises avec.
Madame, environ 98% des start up crées en Côte d’Ivoire meurent avant d’avoir 3 ans. Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur en plein amorçage pour éviter une telle mésaventure ?
Evitez de créer avec uniquement du crédit. Ne soyez pas pressé, apprenez à connaitre l’argent et à le faire fructifier. Respectez vos engagements ; ne commencez pas trop grand, car même le plus grand voyage commence par un premier pas !
J’ai envie de dire quelque chose qui ne va certainement pas plaire mais qui est une réalité et une conclusion de mes années d’encadrement des PME : si l’argent est votre motivation première vous allez lamentablement échouer !
L’on connaissait les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Aujourd’hui, le gouvernement promeut officiellement l’économie numérique. Selon vous, en quoi l’économie numérique peut-elle impacter positivement l’activité des PME en Côte d’Ivoire ?
L’impact est grand ! c’est un nouveau marché que le gouvernement offre aux entreprises. Le numérique peut permettre de réduire les charges d’opération tout en atteignant le maximum de personnes. Le numérique peut aussi susciter l’innovation ! Pour que cela soit vraiment un avantage pour les PME et la population, il faut baisser le coût de la connexion/connectivité internet, améliorer le débit et la couverture.
Le coût de la connexion en Côte d’Ivoire reste trop élevé contrairement aux autres pays alors que le taux de pénétration est excellent. Devant ce marché captif les opérateurs doivent accepter et de faciliter la venue de cette économie numérique ; c’est tout à leur avantage.
MDE Business School, Oikocrédit, Conférences…Vos diverses et exigeantes activités professionnelles et associatives ne risquent-elles pas de porter ombrage à la vie de famille de la mère que vous êtes ?
J’ai 5 garçons épanouis, j’ai un époux adorable ! je crois que je n’ai réussi que parce que j’ai leur soutien et leurs encouragements !
Mariam DAO GABALA, que faut-il vous souhaiter là, maintenant ?
Etre la milliardaire qui aime et s’appuie sur Dieu et qui produit ou suscite d’autres milliardaires pour l’émergence durable de ce pays.
(Extrait article Startup Magazine N°3)